Une alimentation pro-inflammatoire augmente le risque de démence

Dr Louis Bherer, Ph. D., Neuropsychologue Professeur titulaire, Département de Médecine, Université de Montréal, Directeur adjoint scientifique à la direction de la prévention, chercheur et Directeur du Centre ÉPIC, Institut de cardiologie de Montréal.

 

EN BREF

  • Dans le cadre d’une étude sur le vieillissement et l’alimentation réalisée en Grèce, 1 059 personnes âgées ont rapporté de façon détaillée ce qu’elles ont mangé durant trois années.

  • À la fin de l’étude, les personnes dont le régime alimentaire était le plus inflammatoire avaient un risque 3 fois plus élevé de développer une démence, comparativement à celles dont le régime alimentaire avait un indice inflammatoire faible.

  • Les principaux aliments anti-inflammatoires sont les légumes, les fruits, les grains entiers, le thé et le café. Les principaux aliments pro-inflammatoires, à éviter ou à consommer peu fréquemment et en petites quantités sont la viande rouge, les charcuteries, les farines raffinées, les sucres ajoutés et les aliments ultra-transformés.

 

Indice inflammatoire des aliments
Plusieurs études suggèrent que la nature des aliments que nous consommons peut influencer grandement le degré d’inflammation chronique et, par le fait même, le risque de maladies chroniques, incluant les maladies cardiovasculaires. Par exemple, une alimentation pro-inflammatoire a été associée à un risque accru de maladie cardiovasculaire, avec une hausse de 40 % du risque chez les personnes présentant l’indice le plus élevé (voir notre article sur le sujet).

Alimentation pro-inflammatoire et risque de démence
Afin de voir s’il y a une association entre une alimentation favorisant l’inflammation systémique et le risque de développer une démence, 1 059 personnes âgées résidant en Grèce ont été recrutées dans le cadre de l’étude « Hellenic Longitudinal Investigation of Aging and Diet ou HELIAD ». Seules les personnes sans diagnostic de démence au début de l’étude ont été incluses dans la cohorte. Le potentiel inflammatoire du régime alimentaire des participants a été estimé à l’aide d’un indice (en anglais le Dietary inflammatory Index ou DII) basé sur l’effet connu de divers aliments sur les taux sanguins de marqueurs inflammatoires . Les principaux aliments pro-inflammatoires sont la viande rouge, les charcuteries, les farines raffinées, les sucres ajoutés et les aliments ultra-transformés. Parmi les principaux aliments anti-inflammatoires, il y a les légumes, les fruits, les grains entiers, le thé, le café et le vin rouge.

Après un suivi d’une durée moyenne de 3 ans, 62 personnes ont reçu un diagnostic de démence. Les participants qui avaient le régime alimentaire dont l’indice inflammatoire était le plus élevé (dernier tertile) avaient un risque trois fois plus élevé d’être atteints de démence à la fin de l’étude, comparativement à ceux qui avaient le régime alimentaire le moins inflammatoire (premier tertile). De plus, il semble qu’il y ait une relation dose-effet, avec une augmentation du risque de démence qui augmente de 21 % pour chaque unité de l’indice inflammatoire.

Inflammation, interleukine-6, et déclin cognitif
L’étude réalisée en Grèce n’est pas la première à avoir été réalisé au sujet de l’impact de l’alimentation pro-inflammatoire sur l’incidence de démence. Dans une étude réalisée en Pologne auprès de 222 femmes ménopausées, celles qui avaient des déficits cognitifs avaient des concentrations sanguines d’interleukine-6 (IL-6 ; un marqueur de l’inflammation) significativement plus élevées, elles étaient moins scolarisées et étaient moins actives physiquement, en comparaison avec les femmes qui avaient des fonctions cognitives normales. Les femmes ménopausées qui avaient un régime alimentaire pro-inflammatoire étaient beaucoup plus à risque d’avoir des troubles cognitifs comparées à celles qui avaient un régime alimentaire anti-inflammatoire, et cela même après des ajustements pour tenir compte de l’âge, de l’index de masse corporelle, du niveau de scolarité, et du niveau d’activité physique. Chaque augmentation d’un point de l’indice inflammatoire alimentaire était associée à une augmentation du risque de trouble cognitif de 1,55 fois.

En complément à ces études, il est intéressant de voir qu’une méta-analyse de 7 études prospectives incluant 15 828 participants a montré qu’il y a une association entre la concentration d’IL-6 dans le sang et le déclin cognitif global chez des personnes âgées. En effet, les participants qui avaient le plus d’IL-6 circulant avaient un risque 42 % plus élevé de souffrir d’un déclin cognitif que ceux qui avaient de faibles concentrations sanguines d’IL-6.

Plusieurs études ont suggéré que l’inflammation systémique (c.-à-d. à l’extérieur du système nerveux central) pourrait jouer un rôle dans la neurodégénération, la maladie d’Alzheimer et le déclin cognitif chez les personnes âgées. Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de déficit cognitif léger ont tendance à avoir des concentrations sanguines élevées de marqueurs de l’inflammation (IL-6, TNF-α, CRP). De plus, une étude indique que les personnes qui ont des concentrations élevées des marqueurs de l’inflammation durant la mi-temps de leur vie ont un risque accru de déclin cognitif durant les dizaines d’années suivantes.

Puisque les études décrites ci-haut sont observationnelles, elles ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre l’alimentation inflammatoire et la démence. Elles démontrent seulement qu’il y a une association. D’autres études devront être menées dans l’avenir pour établir un lien de cause à effet et identifier les mécanismes moléculaires sous-jacents.

Les résultats probants des études récentes devraient inciter les experts à recommander davantage des régimes alimentaires au contenu élevé en flavonoïdes qui diminuent l’inflammation systémique et qui sont favorables au maintien d’une bonne santé cognitive. Les régimes de type méditerranéen ou le régime hybride MIND (Mediterranean-DASH Intervention for Neurodegenerative Delay) avec une abondance de végétaux sont particulièrement efficaces pour réduire ou retarder le déclin cognitif.

Présenté en partenariat avec L'Observatoire De La Prévention de L'Institute de Cardiologie de Montréal.

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